21 juin 2018
La nouvelle est tombée hier soir. Jacques-Olivier Feleylin a été nommé Secrétaire d’État, directeur de l’Office fédéral de la santé communautaire (OFSC). Il prendra ses fonctions le 1er septembre 2028. Cette nouvelle ravit la direction du CHUV.
De 2021 à 2025, Jacques-Olivier Feleylin a coordonné les travaux du think tank de la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS). Nommé par le Conseil fédéral, il a ensuite dirigé la task force qui a proposé les changements structurels et organisationnels du système de santé du pays. Sur cette base, le Conseil fédéral a décidé de supprimer le principe d’assurance maladie et d’étatiser le système de santé à partir de janvier 2029. Cette nouvelle organisation fédérale sera placée sous l’autorité du Secrétaire d’État auquel seront délégués de larges pouvoirs.
Pourquoi un changement aussi majeur:
L’organisation décentralisée, cantonale, sous la responsabilité d’une multitude de ministres de la Santé a montré ses limites. Aucune des mesures prises ces dernières années, tant par les cantons que par les acteurs du système suisse de santé n’a été capable de contrôler l’explosion du coût des soins. L’introduction du séquençage systématique du génome de tous les assurés en juillet 2021 et le développement de la médecine personnalisée proposée par l’ASSM et SPHN, avec les données contrôlées par les GAFAM, contrairement à ce que les experts avaient prédit, ont fait exploser le nombre de consultations et d’examens médicaux, avec les conséquences financières que l’on connaît. C’est ce qui a conduit le Conseil fédéral à prendre un arrêté urgent (daté du 14 septembre 2025) interdisant le séquençage génomique individuel à charge de l’assurance maladie et l’obligation de détruire toutes les bases de données contenant les séquences génomiques individuelles. Cette crise financière, associée aux revendications des associations de patients et des faîtières des assureurs maladie a poussé le Conseiller fédéral en charge de l’Intérieur à démissionner. Le contexte politique et l’emballement incontrôlable des coûts ont conduit les autorités à prendre les mesures décrites ci-dessus.
Principes:
Dès le 1er janvier 2029, tous les acteurs du système de santé seront employés et salariés par l’État. Les soins ambulatoires, y compris dentaires, de même que les soins stationnaires seront assurés. Une liste des prestations communautaires (LPC) sera établie. Cette liste a été imposée par le Conseil fédéral: elle est beaucoup plus restrictive que celle que la FMH défendait, un peu plus large que celle que les assureurs proposaient, et complètement différente de celle d’H+. Elle définit les prestations qui devront être prises en charge et, ce qui est nouveau, leur durée temporelle. Cette liste semble injuste pour les patients chroniques, mais ils pèsent tellement lourd dans le système que des choix ont dû être faits. Cette liste sera mise à jour chaque année, avec pour objectif de diminuer les coûts globaux de 3 à 5 % par an, jusqu’en 2036. L’ensemble des partenaires politiques, économiques et des milieux de la santé sont conscients que cette approche est un abandon total de la solidarité qui prévalait à la fin du siècle dernier et au début du XXIe siècle c’est bien ce système solidaire et libéral qui a conduit aux dérives financières et contestations sociales de ces dernières années.
Parallèlement, rappelons-le, et dès le 1er janvier 2030, la formation de tous les professionnels de la santé (médecins spécialistes, médecins de premiers recours, infirmières, techniciens en analyses biomédicales, techniciens en radiologie, génomistes de proximité, physiothérapeutes, ergothérapeutes, psychologues, pharmaciens, aides-soignants, accompagnants spirituels, etc.) est placée sous la haute autorité du l’OFSC, qui a créé son École fédérale de santé communautaire. Les Facultés de médecine, les Hautes Écoles de santé et autres institutions de formation des soignants devront cesser leurs activités fin 2029.
Une santé et une médecine à plusieurs vitesses:
Le Conseil fédéral, conscient de l’importance de maintenir une médecine libérale, a accepté de maintenir des pratiques privées, dans un système de libre concurrence, sans coûts à la charge de la Confédération et des contribuables. Il s’agit de ne pas priver les citoyens qui le peuvent d’accéder aux thérapies innovantes, mais à la condition qu’ils en assument la totalité des coûts qui, comme nous le savons, sont exorbitants. Notons que les deux systèmes — étatique et privé — sont mutuellement exclusifs. Les individus qui ont choisi la possibilité de bénéficier d’une médecine libérale ne pourront plus entrer dans le système étatique.
Perspectives:
Ces choix politiques sont soutenus par une majorité parlementaire; ils devraient permettre d’éviter le tourisme médical, l’abus de prestation, les traitements inutiles, la prescription de médicament sans effets. Les hôpitaux devront définir des stratégies de mise en place leur imposant d’exclure toute futilité diagnostic et thérapeutique, tout en se limitant strictement, dans leurs prestations, à ce que le législateur a défini.
Jean-Daniel Tissot, Doyen FBM